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Les écoles privées, ou saviez-vous que...
Les écoles privées ou saviez-vous que
Depuis plusieurs années, les écoles privées sont sur une lancée. Elles ont le vent dans les voiles et ne cessent d'accroître leur clientèle. D'ailleurs, le tiers des Québécois croit que les enfants qui fréquentent une école privée ont de meilleures chances de réussir dans la vie. Elles sont le cauchemar des écoles publiques qui sont constamment mise en comparaison avec les écoles privées alors que le contexte, la dynamique et la réalité sont souvent bien différents.
Plusieurs prétendent que le volet privé du système d'éducation dynamise le secteur public en le forçant à revoir ses programmes, ses méthodes et ses façons de faire. Une dynamique de marché et, forcément, de compétition s'est installée pour le plus grand bien des écoles publiques, affirment certains.
Les opposants eux, sont constamment sur la défensive. Ils reprochent de ne jamais comparer des pommes avec des pommes et qu'en ce sens, toutes les comparaisons s'avèrent boiteuses. Ils accusent les écoles privées de ne prendre que le meilleur pour laisser le pire aux écoles publiques qui doivent composer avec de plus en plus d'étudiants avec des problèmes d'apprentissage, mais sans les ressources adéquates pour y faire face.
L'IRB a donc voulu en savoir un peu plus sur ce que les gens pensent des écoles privées.
Le financement des écoles privées ou un PPP bien avant son temps
À la base, cette réalité a de quoi surprendre. La plupart des écoles privées obtiennent un financement de la part de l'état pouvant atteindre les 60%. Questionnés à savoir si les Québécois connaissaient cette réalité, plus du tiers (38%) l'ignoraient alors que presque les deux tiers (62%) connaissaient cette réalité.
Peut-être que les écoles privées et ceux qui les défendent n'ont pas vraiment intérêt à crier sur les toits l'existence presque historique de ce financement public, financement que certains considèrent comme un droit acquis.
Évidemment, la connaissance de cette réalité croît avec la scolarité des répondants, leur âge ainsi que leurs revenus et ce, dans des proportions parfois surprenantes.
Interrogés s'ils étaient favorables à ce financement, les réactions des répondants, encore une fois, ont été catégoriques et tranchées. Alors qu'à peine le quart (28%) se dit en accord avec ce financement, ils sont 41% à exprimer leur désaccord, tandis que 30% demeurent ambivalents face à cette question.
Le profil des personnes qui se disent d'accord avec le financement des écoles privées épousent, à peu de chose près, celui illustré dans le graphique précédent, atteignant même 53% pour les répondants qui affichent les revenus les plus élevés (80 000$ et +).
L'écart en faveur de ce financement passe de 74% à 16% entre les répondants dont les enfants ont fréquenté, fréquentent ou fréquenteront une école privée versus ceux des écoles publiques. Deux mondes, deux réalités, mais le pouvoir décisionnel se situant du côté de l'argent, la situation risque peu de changer.
Les écoles privées et leurs incidences
La grande majorité des écoles privées fonctionne selon le principe de sélection des élèves. Interrogés à savoir si « les écoles privées, en ne sélectionnant que les meilleurs élèves, affaiblissent le système public d'éducation », une forte proportion de répondants (43%) affiche leur accord avec cette affirmation alors que 25% s'y opposent. Moins du tiers (31%) sont hésitants à se prononcer sur cette question.
Les mêmes « patterns » se répètent avec des réactions qui varient toujours selon le niveau de scolarité, les revenus, le fait que les répondants soient favorables ou non au financement des écoles privées et que leurs enfants en aient fréquentées ou pas.
Les répondants demeurent sur leur position respective lorsqu'on leur demande si « on devrait obliger les écoles privées à accepter un pourcentage d'élèves qui ont des problèmes d'apprentissage » : des répondants, près de la moitié (46%) affiche son accord avec ce principe alors que le quart (26%) n'y adhère pas.
Il en va ainsi et dans les mêmes proportions lorsqu'on émet la possibilité de « couper les subventions aux écoles privées qui ne veulent pas accepter un pourcentage d'élèves qui ont des problèmes d'apprentissage» : 46% se disent en faveur d'une telle mesure et 27% s'y opposent.
Une subvention aux mieux nantis de la société
Il est difficile de le voir autrement. Le prochain tableau est assez explicite :
Potitions | Moyenne | 80 000$ et + |
Enverraient leurs enfants à l'école privée. | 42% | 68% |
Considèrent que les enfants qui fréquentent l'école privée ont de meilleures chances de réussir dans la vie. | 33% | 54% |
Sont d'accord à ce que le gouvernement finance les écoles privées. | 28% | 53% |
Ne croient pas que les écoles privées, en sélectionnant leurs élèves, affaiblissent le système public d'éducation. | 25% | 38% |
Ne souhaitent pas que les écoles privées soient obligées d'accepter un pourcentage d'élèves avec un problème d'apprentissage. | 26% | 41% |
Ne croient pas que l'on devrait couper les subventions aux écoles qui refusent d'accepter un pourcentage d'élèves avec des difficultés d'apprentissage. | 27% | 50% |
Ces chiffres, et de nombreux autres, démontrent qu'une partie des taxes des Québécois sert à financer des écoles qui sont majoritairement fréquentées par les enfants dont les parents sont les mieux nantis. Ce constat ne va pas sans heurter un certain principe de justice sociale et d'égalité et porte quelque peu ombrage à l'étiquette sociale-démocrate dont beaucoup de Québécois aiment se prévaloir.
Ces données procurent certainement de la matière et des arguments à ceux qui souhaiteraient voir les subventions consenties aux écoles privées ajustées en fonction de leur accessibilité et de leur capacité à offrir des programmes spécialisés et adaptés à une clientèle moins favorisée.
Mais, au-delà de cela, n'y a-t-il pas quelque chose d'injuste, d'immoral même ? Un certain illogisme émane de ces données alors que les personnes moins bien nanties financent un service qui est utilisé principalement par les mieux nantis de la société. Pendant ce temps, les écoles publiques, largement fréquentées par la classe moyenne et/ou plus pauvres, souffrent d'un sous-financement.
Évidemment, le problème est plus complexe et ne se limite pas qu'au financement de nos écoles, mais ces données nous invitent à réfléchir à la façon dont on doit établir nos priorités. La diminution ou l'abolition des subventions aux écoles privées ne réglerait pas le financement du système public, loin de là, mais ce geste aurait le mérite de pallier à une injustice et de donner un signe d'appui sans équivoque au système public qui, disons-le, en a bien besoin.
Les écoles privées seraient-elles fréquentées en grande partie par les enfants de nos leaders et de ceux qui nous gouvernent? La question est tentante et un peu facile, nous en convenons, mais si tel est le cas, il serait alors bien surprenant de voir ces subventions réduire ou disparaître.